Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

Des choix budgétaires déterminants à faire après l’élection fédérale

20 septembre 2021

Lecture

4min

  • Julia Posca

Les dépenses réalisées dans la dernière année et demie pour endiguer la propagation du nouveau coronavirus apparu à la fin de 2019 – soutien aux travailleurs et travailleuses mis à pied temporairement ou définitivement, aide financière aux secteurs économiques paralysés par l’application des mesures sanitaires, achat de matériel de protection et de vaccins, aide aux provinces dans la gestion de la pandémie, etc. – ont permis d’éviter que le Canada ne soit plongé dans une profonde récession. La pandémie de COVID-19 étant encore loin d’être contrôlée, le soutien gouvernemental des mois à venir sera déterminant.

Évidemment, ces dépenses ont eu un effet sur le déficit et sur la dette publique qu’on peut observer au graphique ci-dessous. Un petit retour en arrière nous permet d’abord de constater que la dette fédérale mesurée en proportion du PIB a fondu entre 1994 et 2008. Elle a subi une légère hausse dans les années qui ont suivi la crise économique de 2008-2009, puis a recommencé à diminuer pour atteindre 31,2% du PIB en 2019. La pandémie a fait grimper ce ratio à 49% en 2020, et on s’attend à ce qu’il atteigne 51,2% en 2021. Le ministère des Finances prévoit pour l’instant qu’il redescendra à compter de 2022, mais l’évolution de la pandémie déterminera fortement la direction que prendra la courbe de la dette dans les prochaines années. Le Canada, dont le ratio dette/PIB est le plus faible parmi les pays du G7, se trouve malgré tout dans une bonne posture financière, comme l’indiquait en juin dernier le Directeur parlementaire du budget.

La hausse de l’endettement a aussi eu un impact sur le service de la dette, soit sur les sommes dépensées en intérêts sur la dette du gouvernement fédéral. La hauteur du service de la dette fait varier d’autant la marge budgétaire dont dispose le gouvernement, d’où l’importance de suivre son évolution. Comme on peut le voir au graphique suivant, alors que les frais de la dette publique en pourcentage du PIB ont été en constante diminution entre 1995 et 2018, ils ont connu une très légère hausse en 2019 en s’établissant à 1,1%, sont descendus à 0,9% en 2020 et devraient augmenter à compter de 2022 pour s’établir à 1,4% en 2025. Ils demeureraient alors bien en deçà du niveau de 1995, alors qu’ils s’élevaient à 6%. Bien entendu, une hausse des taux d’intérêt par la Banque du Canada pourrait avoir un effet à la hausse sur ce ratio, mais ce scénario n’est pas envisageable avant 2022.

Et après?

À quelques heures de l’élection d’un nouveau gouvernement à Ottawa, force est de constater que la conjoncture exceptionnelle dans laquelle nous sommes plongés depuis plus d’un an et demi a rendu la classe politique (ainsi que bien des économistes et analystes économiques) plus tolérante face aux déficits. Ni la plateforme électorale du Parti libéral ni celle du Nouveau parti démocratique ne prévoient de retour au déficit zéro dans un horizon rapproché. Le Parti conservateur, une formation politique traditionnellement allergique à l’endettement, entend pour sa part revenir à l’équilibre budgétaire dans un horizon de seulement 7 à 10 ans s’il est élu. Le Bloc québécois, qui ne peut toutefois former de gouvernement, ne se prononce tout simplement pas sur cet enjeu dans sa plateforme.

Plutôt qu’une conversion idéologique, nous sommes sans doute témoins d’une forme de réalisme budgétaire en temps de crise de la part des partis fédéraux. Il serait ainsi étonnant que cette posture renouvelée face aux déficits devienne la norme. Il faut cependant espérer que le parti qui sera porté au pouvoir ce soir (ou dans les jours à venir) n'embarque pas de nouveau dans le train de la lutte aux déficits.

En effet, la pandémie aura mis en évidence que le contrôle de la dette passe par le fait de dépenser pour résoudre des problèmes sociaux. À l’inverse, donner la priorité à l’équilibre budgétaire comporte des risques sociaux et économiques beaucoup plus graves que l’endettement. Couper dans les dépenses en santé publique au Québec aura par exemple affaibli la capacité des autorités compétentes à réagir de manière efficace lorsque sont apparus les premiers cas de COVID-19 dans la province en 2020.

Un changement de paradigme en matière de finances publiques est donc plus souhaitable que jamais, dans la mesure où les choix budgétaires d’aujourd’hui détermineront dans quel genre de monde nous vivrons demain. Or, c’est à surmonter l’actuel défi climatique que devra s’attarder le prochain gouvernement. Et tout indique que le refus d’investir dès aujourd’hui dans une transition écologique juste aura des coûts qui s’annoncent colossaux.

VOUS AIMEZ LES ANALYSES DE L'IRIS? SONGEZ À DEVENIR MEMBRE!

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous

Partager

Commenter la publication

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *