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Communiqué | Québec subventionne les multinationales de l’hébergement au détriment des services à domicile

9 juin 2021


Montréal, le 9 juin 2021 — Le gouvernement du Québec et les CI(U)SSS de toutes les régions du Québec versent annuellement plus d’un demi-milliard de dollars aux résidences privées pour aîné·e·s (RPA). Alors qu’on y compte plus de 20 % du nombre total de décès liés à la COVID-19 au Québec, l’étude Les résidences privées pour aîné·e·s au Québec — Portrait d’une industrie milliardaire de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) lève le voile sur la structure juridique et le financement méconnus de ces établissements. L’Institut a obtenu des données inédites notamment par le biais de dizaines de demandes d’accès à l’information. 

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LES RPA, DES FLEURONS QUÉBÉCOIS ?

Malgré l’image qu’ils se donnent publiquement, les grands groupes de RPA — en particulier Cogir, Groupe Maurice et Sélection — n’ont plus rien de la petite entreprise familiale québécoise. Derrière des résidences d’apparence locale se cachent des structures complexes et multinationales comptant plusieurs dizaines d’entreprises, pour la plupart des coquilles vides sans employé. C’est le cas par exemple de la résidence Cogir Manoir Outremont, dont la structure de propriété compte 31 organisations (voir l’organigramme) à travers le monde, y compris au Luxembourg, un paradis fiscal notoire. La chercheuse Anne Plourde a réalisé un travail de moine pour reconstituer les réseaux d’entreprises impliquées dans les différents grands groupes de RPA au Québec.

LE CAS BRITANNIQUE

L’exemple du Royaume-Uni, où une plus grande transparence est imposée aux entreprises, montre bien à quel point ces entreprises financiarisées mettent de l’avant le profit, au détriment des services et soins offerts. Dans ce pays, les grandes chaînes de résidences consacrent en moyenne 13 % de leurs revenus à des dépenses qui ne concernent pas directement les soins et services aux personnes, contre 7 % pour les petites et moyennes résidences. Les multinationales qui y sont implantées depuis longtemps sont les mêmes qui occupent une place de plus en plus grande au Québec.

Au-delà des mécanismes de ponction de profits et d’optimisation fiscale que permettent les structures de propriété multi-niveaux de ces grandes firmes, les cas britannique et états-unien montrent aussi que ces modèles d’entreprise sont liés à des pratiques financières à haut risque susceptibles de conduire à des faillites, avec toutes les conséquences que cela implique pour les milliers de résident·e·s et d’employé·e·s dépendant de ces entreprises.

DES SOMMES COLOSSALES VERSÉES AU PRIVÉ

Dans son étude, l’IRIS prend la mesure de diverses sources de financement public des RPA, dont les deux suivantes :

  1. Le Crédit d’impôt pour maintien à domicile des aînés : depuis 2007, Québec a versé 5 G$ aux RPA par l’intermédiaire de ce crédit censé permettre aux personnes âgées de rester à domicile. Pour 2021 seulement, ce sont 529,2 M$ qui seront ainsi perçus par les RPA, soit l’équivalent du tiers du budget d’aide à domicile (1,7 G$).
  2. Achat de places et de services « à domicile » : Les CI(U)SSS achètent des places et des services à domicile en RPA pour combler le manque de ressources dans les CHSLD et les services à domicile publics [tableau 3]. Selon les données obtenues des CI(U)SSS par le biais de dizaines de demandes d’accès à l’information, ces achats sont en très forte augmentation au cours des dernières années dans plusieurs régions du Québec. Par exemple, les achats de services à domicile en RPA par le CISSS du Bas-Saint-Laurent sont passés de 100 000 $ à 2,6 M$ entre 2017 et 2020, une augmentation de plus de 2 500 % [tableau 5].

CESSER DE FINANCER DES MULTINATIONALES

À la lumière de ses analyses, l’Institut recommande au gouvernement du Québec de transférer progressivement le financement public direct et indirect accordé aux RPA vers le financement et la bonification des services à domicile publics. Ainsi, les personnes âgées ne seront plus contraintes de déménager en RPA pour recevoir des services qu’elles peinent actuellement à recevoir dans le réseau sociosanitaire public. Et, lorsqu’elles feront néanmoins ce choix, le coût de leur loyer ne sera plus gonflé par l’achat de soins et services « à domicile », puisque ceux-ci seront désormais dispensés par le secteur public, peu importe le lieu d’habitation.

CITATIONS : ANNE PLOURDE, CHERCHEUSE À L’IRIS

« C’est aberrant d’accepter que la privatisation des soins constitue une telle manne pour des investisseurs. Dans ce cas-ci, on parle en plus d’entreprises multinationales avec un modèle d’affaires centré sur le profit qui ne devrait pas avoir sa place dans le secteur des soins aux personnes. »

« Dans le contexte de vieillissement de la population qui est le nôtre, on doit au plus vite opérer un changement majeur dans l’offre de services aux personnes âgées, à commencer par le logement. Habiter en RPA, c’est bien loin du maintien à domicile. »

Pour lire l’étude : http://bit.ly/RPA-IRIS.


PRIVATE SENIORS’ RESIDENCES: QUÉBEC SUBSIDIZES HOUSING MULTINATIONAL CORPORATIONS TO THE DETRIMENT OF HOME CARE SERVICES

Montréal, June 9, 2021 — The government of Québec and the I(U)HSSC (CI(U)SSS in French) of all regions of Québec pay an annual sum of over half a billion dollars to private seniors’ residences (résidences privées pour aîné·e·s, or RPA in French). Since over 20% of the total number of COVID-19-related deaths in Québec have been in these residences, the study entitled Les résidences privées pour aîné·e·s au Québec — Portrait d’une industrie milliardaire (Private senior residences in Québec: portrait of a billionaire industry [only available in French]) carried out by the Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS)  reveals the judicial structure and unknown financing of these establishments. The Institute obtained the unpublished data by way of dozens of requests for access to information.

PRIVATE SENIORS’ RESIDENCES: QUÉBEC FLAGSHIPS?

Despite the public image they project, the large private seniors’ residence groups — particularly Cogir, Groupe Maurice and Sélection — are far from being small Québec family companies. Behind the local appearance of these residences are complex structures and multinational corporations which are comprised of dozens of companies, most of which are empty shells, void of employees. This is the case, for example, of the Cogir Manoir Outremont residence, whose property structure counts 31 organizations (see chart) throughout the world, including in Luxembourg, a well-known tax haven. Researcher Anne Plourde carried out the painstaking task of reconstructing the network of companies involved in the different large private seniors’ residence groups in Québec.

THE BRITISH EXAMPLE

The example seen in the United Kingdom, where companies are obligated to show greater transparency, shows the level at which these financialized companies put profit above all else, to the detriment of the services and care offered. In Britain, the large residence chains attribute on average 13% of their revenue to expenses which do not directly concern care and services, as compared to 7% for small and medium residences. The multinationals which have long existed in Britain are the same that are becoming increasingly dominant in Québec.

Beyond the profit-collecting and fiscal optimization mechanisms which are made possible by the multi-level property structures of these large companies, the British and US examples also show that these business companies are linked to high-risk financial practices which could potentially lead to bankruptcy, with all the consequences that would imply for the thousands of residents and employees.
Colossal amounts of money paid out to the private sector
In its study, the IRIS measures different financing sources for private seniors’ residences, notably the following:

  1. The Crédit d’impôt pour maintien à domicile des aînés (tax credit for home-support services for seniors): since 2007, Québec has paid $5 G to private seniors’ residences by way of this credit which is intended to allow the elderly to stay at home. For the year 2021 alone, $529.2 M will therefore be perceived by these private seniors’ residences, which is the equivalent of a third of the home care services budget ($1.7 G).
  2. Purchase of places and “home” care services: the I(U)HSSC purchase places and home care services in private seniors’ residences to fill the resource void in the CHSLD (residential and long-term care centre) and public home care services [table 3]. According to the data obtained from the I(U)HSSC via dozens of requests for information, these purchases have been rising rapidly over the past few years in many regions of Québec. For example, home care service purchases in private seniors’ residences by the IHSSC of the Bas-Saint-Laurent have gone from $100,000 to $2.6 M between 2017 and 2020, which represents a 2,500% increase [table 5].

STOP FINANCING MULTINATIONAL CORPORATIONS

Considering these analyses, the Institute recommends that the government of Québec progressively start transferring direct and indirect public financing granted to private senior residences towards the financing and improvement of public home care services. Thus, the elderly will no longer be forced to move into private senior residences to receive services they have trouble receiving in the public sociosanitary network. And, if they nevertheless choose to live in such residences, the cost of their rent will no longer be inflated when purchasing “home” care and services, since they will now be delivered by the public sector, regardless of one’s housing situation.

QUOTES: ANNE PLOURDE, RESEARCHER AT THE IRIS

“It’s outrageous to accept that the privatization of care can represent such a financial windfall for investors. In this case, multinational corporations that have a profit-based business model should not be permitted when it comes to elderly care.”

“In a context where the population is ageing, as is the case in our society, we must act quickly and make a major system change with regards to the services offered to the elderly, starting with housing. Living in a private seniors’ residence is a far cry from home care.”

ABOUT IRIS 

For the past 20 years, the Institut de recherche et d’informations socioéconomiques has been analyzing Québec’s economy and public policies. As a not for profit and independent organization, the Institute creates and broadcasts research on the current major issues, such as the climate and environmental crisis, the merchandizing of education or the health sector and the increase in inequalities. 

To read the study (French only): http://bit.ly/RPA-IRIS.

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